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#447

"Si les enfants veulent tous devenir astronaute c’est pour se barrer de cette terre où ils devront vivre toute leur vie. Ensuite ils grandissent, oublient la NASA à cause d’un 5.5 en maths, écoutent du black métal et vomissent la bière vendue par pack de 30. Ils se haïssent eux-mêmes sans trop savoir pourquoi. Le lycée leur apprend les modalités de l’échec, de l’humiliation, de la clope et du suicide.

 Ceux qui auront leur bac se ruineront en Malibu Coca. Puis le soleil éclaire un peu plus leur chemin, ils voient un peu mieux l’avenir parce qu’il n’y en a pas. Ils se psychanalysent eux-mêmes en décuvant de tout ça, ce n’est peut-être pas seulement de leur faute. Alors on se met a faire de la politique, un autre monde est possible, le changer serait tellement cool. Ils achètent des t-shirts avec des étoiles rouges et trouvent le mot révolution très beau. ça ressemble à "revolver", mais surtout à "évolution". Ils arrêtent de manger du McDo, refusent d’être français, ne regardent plus la météo. De toute façon, demain, il pleuvra.

Le doute se mêle à leurs tentatives, vaines, forcément. Pourquoi refaire le monde, puisqu’il va péter ? Et puis ils se rendent compte que boire une bière fraîche avec une belle brune, c’est pas si mal. Le regard d’une fille vaut mieux qu’un combat perdu d’avance. L’amour, pas la guerre. Ce genre de conneries. On emmerde une dernière fois la société, et on revend son poster du Che. Cette fille devient notre femme. La bière fraîche devient notre bide. On s’entasse dans un meublé qu’il faudra payer. Un boulot, et puis une bagnole, avec l’ouverture centralisée et la clim en option. On économise pour Noël, et un peu de soleil à la plage. On devient gros, moche, aigri. Les petits cons arrêtent de jouer dans notre pelouse, et on se souvient qu’avant on avait des projets. On se souvient…

On était jeune, plein d’idées, tout ça pour rien. Parce que maintenant, on attend, comme tout le monde, son abonnement aux programmes télé. Alors, avant de mourir, on va voir son petit-fils, il veut devenir astronaute : « Deviens-le, c’est ta seule chance. » "

[Pierrick Servais]

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